Soirée entre collègues

Je m'installe à ma table favorite en faisant un sourire à la propriétaire de la taverne. Je suis en avance, et je commande une bierre au beurre histoire de patienter. L'ambiance est très bon enfant dans la taverne, des rires, des embrassades, ... C'est joyeux et ça aide à oublier les petits soucis du quotidien.

J'arrive aux Trois Balais, un des deux pubs de la ville, le plus joyeux. Et une question me taraude.

- Pourquoi choisir le jour de visite à Pré-au-Lard des élèves pour venir ici ?

C'en était presque invivable tant il y avait de monde dans le pub. Il fait beau et tout le monde a voulu venir ce qui est normal, mais pour moi, ca fait presque trop de monde.

Je souris :

- Eh bien tu vois, j'aime bien l'agitation de pré au lard avec les élèves. Le reste du temps j'ai l'impression d'être en villégiature dans un village de vieilles grands-mères.

Je sais que Casper déteste cette promiscuité qu'il y a à Pré au lard lorsque les élèves sont là. D'ailleurs j'étais sûre qu'il me ferait la remarque. Le serveur s'approche de nous et je demande à Casper, après un coup d'oeil à ma montre :

-On pourrait peut-être...

Le serveur ne me laisse pas terminer et dit, stupidement:

- Il y a un menu spécial amoureux toute la semaine.

Je le dévisage, trop étonnée pour répliquer. Quelle drôle d'idée de nous imaginer en couple...

J'arrive sur la proposition du serveur et je n'hésite pas à ironiser:

- Très bien, mais vous mettrez trois cuillères dans le dessert romantique, on se la partage.

Je lance un clin d'oeil au serveur qui se sauve aussi vite qu'il est venu. J'éclate de rire et je m'affale sur la chaise qui se trouve en face de Mia. Elle fait une drôle de tête, mi amusée, mi énervée. Pour faire peser la balance en faveur de l'amusement, j'ajoute :

- Tu as peur pour ta réputation?

Elle sourit et je termine la blague:

- Ah moins que ce soit toi qui aies peur pour ta réputation, Casper. Bon, qu'est-ce qu'on boit?

Je jette un oeil à la boisson de Mia et grimace. J'appelle le serveur qui me regarde avec des yeux de chameau :

-Pour moi ce sera un whisky pur feu et des amuse bouche explosifs.

Je ris, parfaitement amusé par l'intervention de Vincent.

- Oui en effet, c'est moi qui est peur Vince. Si je devais être dans un ménage à trois ce serait avec deux femmes et pas un autre homme et une femme.

A vrai dire ma réputation avait tendance à me précéder. Et elle était plutôt sulfureuse. Comme mon passé. Ma réputation a toujours été plutôt justifiée. Mais elle n'a jamais fait l'état de mes sentiments.

- Ce sera du homard farceur pour moi et du Martini maltais.

Enfin, je vais rester ici malgré tout le monde qui s'amasse de plus en plus. Bientôt des élèves nous demanderons de s'assoir à notre table. Il faudra que j'ai déjà pas mal bu pour supporter ca. Enfin, on verra en temps voulu. Pour le moment, je reste avec mes amis sans avoir peur de la suite.

- Tu aurais quand même pu me laisser ce rendez-vous romantique Vincent.

A vrai dire je ne sais même pas à quand remonte le dernier. Et ca m'est plutôt égal.

Je souris et mets un terme aux plaisanteries:

- Temps mort, messieurs. Restons professionnels.

Je me tourne vers le serveur, qui est cramoisi à présent:

-Pour moi ce sera un menu hippogriffe.

Le serveur reste planté bêtement devant moi, la bouche ouverte.

-Jeune homme, fermez donc votre oriffice bucal, vous allez avaler les mouches, et je vous assure que je ne tiens pas particulièrement à avoir une vue plongeante sur vos amygdales.

-C'est vrai je ne tiens pas particulièrement non plus à t'admirer nu.

Pour plaisanter, je me lève et fais semblant de remettre mon manteau :

- Désolé de t'avoir gâché ton coup, je m'eclipse!

Je me rassieds et entame une conversation plus sérieuse:

- Qui sait comment on vire un élève de Poudlard?

Je ne décolère par pour l'affaire Poulter, je me sens l'âme d'un lion féroce en face du dompteur à terre. J'ai des envies de massacre.

- C'est à moi de le renvoyer Vincent.

Je sais très bien quel élève il veut faire renvoyer. Il s'agit de Poulter et j'avoue que cette possibilité pourrait se produire un jour. Mais pour l'instant, je ne l'envisage pas encore sérieusement.

- Et non, je ne vais pas le faire dans la seconde. Tu connais mieux que personne l'étendue de ma patience. Il en bénéficiera de même que tous mes autres élèves. Mais j'ai prévu de durcir mes sanctions. Les retenus seront de moins en moins "plaisantes".

A vrai dire elles ne le sont déjà pas. Mais pour Poulter, j'ai décidé de le pousser un peu. Voir s'il a au moins un peu de répondant ou d'amour propre.

J'entame mon entrée et demande, entre deux fourchettes:

- De qui est-ce que vous parlez?

Je sens dans la voix de Vincent que quelque chose cloche. Et apparemment Casper est au courant. Moi, je n'ai pas remarqué spécialement qu'il y avait un boulet dans l'école. Mais la notion de boulet de Vincent est certainement très différente de la mienne. Je vois Vincent devenir tout rouge, et je ne pense pas que ses hors d'oeuvre y soient pour quelque chose. La tempête couve. Quoiqu'ait fait ce pauvre élève, je sens que l'année va être difficile pour lui!

J'avale tant bien que mal ma bouchée : qui peut encore ignorer dans cette école que Poulter est une ignoble sangsue écoeurante et baveuse?

- Tu plaisantes, Mia! Mais il s'agit de Poulter bien sûr! Rien que de dire son nom, j'ai des plaques qui apparaissent. J'ai rarement vu plus empoté. Un vrai boulet, une pustule suitante, une larve flasque!

J'ai haussé la voix sans m'en rendre compte et je rebaisse d'un ton:

- Je ne peux plus voir cet élève en peinture, et je le croise partout. C'est une malédiction!

Je ne peux tout simplement pas encadrer ce gamin : il réunit tout ce que je déteste chez mes semblables : la molesse, l'inaction et l'inutilité.

Je souris devant la réaction de Vincent. Il est à e point désespéré.

- Disons que mon nouveau préfet en chef a poussé le bouchon un peu loin cette semaine. Et de façons plus que répétées. Il a commencé pendant le cours de Vincent en détruisant littéralement toutes les réserves de poudre révélatrice que j'avais produites pour le cours de sortilège. Il a continué en se montrant encore plus destructeur vu qu'il a même cassé sa baguette. Et enfin il a réveillé tout le monde en essayant de faire tomber dans sa chute une autre personne en l'attirant aux cachots pour des broutilles et ce à minuit passé.

Je regarde Vincent à nouveau.

- J'ai fait le tour je pense. Enfin du principal je veux dire. Je ne m'attarde pas sur son incompétence chronique dans les différentes matières. Et dire que l'ancien directeur lui a donné sa buse de potion en allant totalement à l'encontre de mon avis de spécialiste. Je lui avais mis T pourtant. Je n'avais jamais mis de T avant. Sur son relevé il a eu un EE. Pourquoi pas Optimal pendant qu'on y est.

Encore un de ces fils à papa que notre ancien directeur sauvait pour faire plaisir au conseil d'administration. Je pense que nous n'aurons plus ce genre de problème avec le nouveau directeur. Il a l'air beaucoup moins soucieux des réactions du conseil. Et c'est très bien comme ça.

Je hausse les épaules en repoussant ma serviette:

-Je vois. C'est exactement la raison pour laquelle je détestais notre ancien directeur. Les amis des amis, le piston, les promotions canapé aussi, parce qu'excuse-moi, mais l'ancienne prof d'histoire de la magie, ne me dis pas que c'était pour son intelligence qu'il l'avait engagée. Son tour de poitrine était bien plis impressionnant que son QI, si tu veux mon avis. Ce gamin est une plaie. Et je mâche mes mots.

Je souris:

-En attendant, c'est sympa de l'avoir mis préfet en chef. Il le méritait bien.

Tout le monde ici sait bien qu'à Serpentard, le préfet en chef est le paria. Pas besoin de le dire, c'est tacite. Et c'est mieux comme ça!

Je ne suis pas sur que Mia apprécie ma façon de nommer mes préfets en chef mais de toutes facons, je ne changerai pas ma façon de faire. Ma maison est probablement celle avec le plus de spécificité pour déterminer qui "mérite" d'être préfet en chef.

- Le nouveau directeur a l'air de toutes façons bien plus efficace et bien plus impartial. Et pour ce qui est de Poulter, il le méritait en effet. Je n'avais jamais vu aussi grand incapable.

La préfète en chef serait, dans n'importe quelle autre maison quelqu'un comme Beverly Brooks mais pas chez nous. Les risques seraient beaucoup trop grand pour elle et elle ne mérite pas tout ce stress.

- Tu sais, je crois que tu devrais nommer Beverly. Il y en a marre de la tradition des préfets branquignols. Je comprends que tu fasses ça, tes élèves sont un peu ennemis de l'ordre et de la discipline. mais tout le monde adore Beverly, dans ta maison et dans les autres aussi. C'est pratiqement la seule à faire l'unanimité. Je suis sûre qu'elle s'en sortira très bien. Et Serpentard serait moins ridicule parce que là, excuse-moi...

J'avale une bouchée et poursuis:

-Réfléchis-y au moins, tu verras que ce n'est pas une si mauvaise idée que ça.

- Tu penses bien que j'y ai déjà pensé. J'aurais été vraiment stupide de ne jamais avoir envisagé sérieusement cette possibilité. Mais ma maison est vraiment spécifique Mia, mes élèves notamment. Si je ne l'ai pas choisi c'est parce que j'ai peur pour elle. Tout le monde l'adore, oui, mais la nature même de mes élèves est de ne pas respecter l'autorité, de se dresser contre celle-ci alors même s'ils l'adorent, leur nature reprendra toujours le dessus et personne ne mérite ca... A part Poulter évidemment. Donc oui Mia, je préfère être ridicule que de massacrer une élève qui est tout à fait fantastique.

Je bois une gorgée et enchaine.

- Poulter reste mon préfet en chef. Mais c'est Beverly qui accueillera les écoles étrangères. Je ne veux pas lui donner la lourde charge de l'autorité, je préfère la garder pour moi tout seul dans ma maison. Pour différentes raisons.

Je hoche la tête : au final, j'ai toujours été persuadée que Casper savait toujours exactement ce qu'il faisait, et trois coups en avance. Alors je n'insiste pas :

-Allez, on arrête de parler boulot, on se détend.