Persécution

Lorsqu'Andy sort de la grande salle, aussi discrètement que possible, je le suis. Il fait des tours et des détours et se retrouve finalement devant le lac. Il s'assied dans le noir, se croyant seul. Il examine avec résignation son insigne, et c'est le moment précis où je décide d'intervenir:

-Alors, Andy, cette année c'est toi le maton en chef.

Il se retourne avec effroi et je souris. Il sait très bien ce qui l'attend. Je m'accroupis devant lui, et il ne bouge pas, tétanisé.

-Et qu'est-ce que tu vas faire, dis-moi, si je suis un méchant garçon?
-R...Rien, rien. Je t'assure, je ne vais rien faire.
-Ah non, ça c'est sûr!

Je me relève et lance mon premier sort, qui illumine la nuit d'une lueur blanchâtre:

-Tortillo.

Andy se tortille quelques secondes puis s'immobilise. Une fois le sort évaporé, je lui dis:

-Allez, debout et dégage.

Il ne se fait pas prier et détale comme un lapin. Je murmure:

-A demain.

Enfin tranquille, je m'assieds près de l'eau, dans l'obscurité, savourant d'autant plus le moment que je n'ai absolument pas le droit d'être là à cette heure tardive.

Je sais que dès ce soir, Andy Poulter va commencer à souffrir. Et bien que je n'ai jamais souhaité à personne de souffrir comme il va souffrir pendant un an, je ne peux pas me résoudre à le plaindre. Cependant, je tiens à avoir une entrevue avec Black. Dès ce soir. C'est pourquoi dès la sortie de la grande salle de Poulter, je le suis de loin, ainsi que Black qui comme je le pensais traque déjà sa proie.

Je regarde Black lancer le sortilège du tortillement à Andy, sans rien faire. Je vois Poulter déguerpir et le laisse faire. Après tout, c'est Black que je viens voir et non Poulter. Je me rapproche donc de Black.

- Black, j'ose espérer que je peux vous faire confiance. Je ne veux pas de débordement cette année.

Je sais être convaincant lorsque je parle et je pense l'avoir été. Je décide tout de même de rajouter.

- Bien sur je ne m'attends pas à ce que vous laissiez Poulter tranquille. Je sais que c'est impossible. Mais je ne veux pas avoir à sauver la vie de Poulter comme ce fut le cas l'année dernière avec son prédécesseur. C'est clair Black ? Sinon, je prendrais les sanctions qui s'imposent.

Et je n'entends pas par là un simple renvoi de l'école et Ulric le sait très bien.

Je hoche la tête:

-Oui monsieur.

A monsieur Malkow, personne ne la fait à l'envers. Pas même moi. Pas de débordement cette année, c'est d'accord. Disons que ça ne m'arrange pas vraiment, mais on fera avec. J'aurais bien tenté deux ou trois petits sorts bien efficaces. Mais bon, apparemment, cette année, il faut raison garder. Alors je me contenterai de le persécuter sans trop l'abimer. Dommage...

- Je suis ravi de vous l'entendre dire. Je vous souhaite tout de même de passer une bonne année.

Je sais que Black n'osera pas se dresser contre ma volonté. Personne ne l'oserait. J'aime bien Ulric ceci dit. Il a un caractère bien à lui et ne le changera pas pour plaire ou faire plaisir. Bref, une qualité que j'apprécie beaucoup. Et puis son caractère colle bien avec celui de ma maison.

- On se verra en potion. J'imagine que vous les avez conservées.

Je hoche la tête : bien sûr que j'ai gardé les potions, c'est mon cours préféré, et c'est de loin celui dans lequel je suis le plus doué. On peut même dire que je suis une bête dans ce domaine. Ca et les sortilèges : j'en invente sans arrêt. Et c'est bien utile pour persécuter les matons en chef, qui se succèdent, sans jamais s'accrocher. Ca en devient même ennuyeux : la résistance se fait moindre, d'année en année. Je me souviens, quand j'étais en 1ère année, ils se défendaient, là c'était du sport! Maintenant, ils attendent comme de bons moutons devant l'abatoir. C'est sympa, mais ça perd en sel.

- Bonne soirée Black. On se voit donc dès mardi.

Je remonte tranquillement au chateau avec une idée en tête. Cependant, je refuse d'en parler tant que le directeur n'aura pas changé. Je ne veux pas de son poste mais je ne veux plus de lui. Je pense que de toutes facons, Mia Keim ne devrait pas tarder à le remplacer. Le Conseil devrait se réunir dans une semaine pour parler de ce cas. Alors espérons qu'ils se mettront tous d'accord pour son renvoi.

Le professeur Malkow s'éloigne et je me rassieds dans l'herbe humide, en face du lac. Je ne sais pas trop ce que j'attends là, au lieu de retourner dans la salle commune de Serpentard. Mes accès de mysanthropies se sont certainement réveillés à cause de la masse beuglante d'élèves qui assistaient à la répartition. Je n'ai aucune envie de croiser une foule dans les couloirs. Quand je serai sûr que tout le monde est couché, alors je rentrerai.